l’écrivain français henri-françois rey, auteur du livre les pianos mécaniques, qui fut repris au cinéma plus tard par juan antonio bardem, fit connaître au monde le cadaqués des années 60. dans son livre dali dans son labyrinthe, il compare cadaqués à une drogue, « un lieu-drogue, qui vous place tout à la fois en dehors du temps et de l’espace » et où « l’espace est élastique ».
il y a des lieux magnétiques qui s’attirent, et ceux qui entrent dans leur force radiale en en attirant d’autres dans leur centre. d’abord ce fut dali, et aussi picasso, puis lorca, buñuel, magritte, max ernst ; plus tard duchamp qui attira à son tour richard hamilton. l’architecte lanfranco bombelli, fondateur de la galería cadaqués, fut l’axe radial pour beaucoup d’autres corps. et ainsi se sont ajoutées des scènes artistiques et d’étroites coexistences avec cette localité, que josep plá définit comme une « île », dont l’unique issue est la mer.
en 1971, catherine sagnier (à l’époque skira) arriva à cadaqués, accompagnant albert skira, avec lequel elle travaillait à genève. ils venaient rendre visite à dali et mettre au point ses gravures pour les editions d’art albert skira. la force d’attraction fut immédiate. en 1975, catherine déménage et commence à travailler avec bombelli, comme directrice en cette troisième année de la galerie. un changement de vie radical, d’une cité européenne à un village de pêcheurs avec une scène artistique réduite, mais suivie par une élite d’avant-garde. en plein développement culturel et touristique, le potentiel de cadaqués était encore palpable. au cours des années 70 et 80, la galerie fut véritablement pionnière, offrant en espagne des premières expositions d’artistes internationaux. catherine y contribua, attirant une génération plus jeune : l’artiste britannico-canadienne cozette de charmoy, qui expose en 1976, et le couple suisse d’artistes conceptuels chérif et silvie defraoui en 1977.
après onze années avec bombelli, catherine prend son indépendance et ouvre en 1986 son propre espace, la galerie nota bene, à un moment clé où fleurissent d’autres galeries locales. durant huit ans elle organise six expositions durant la saison d’été, avec des artistes plastiques catalans et nationaux comme josé albiol, jaime lorente, jaume plensa ou miguel sancho, et internationaux tels que lisa bateman, jacques bosser, mary jane dean, dougal, jean-luc parant, lisa rehsteiner ou alfredo romano, apportant une vigueur et diversité de langages visuels au panorama artistique de cadaqués.
en 1990, catherine construit le loft, au deuxième étage de sa maison, conçu par bombelli en personne, qui apparaît comme une nouvelle initiative de créer une résidence d’artistes, alors inexistante à cadaqués. durant plus de trois décades elle accueille plus d’une centaine d’artistes internationaux, dont certains assidument, comme la coréenne cheonae kim, effectuant actuellement sa sixième résidence, sabine friesicke, marietta hoferer ou bill thompson. des séjours prolongés qui offrent l’opportunité d´établir des relations étroites avec les artistes, expériences et conversations essentielles pour la vie culturelle de cadaqués.
huc malla s’enthousiasma pour le projet de cette exposition, suggérée par la professeure et critique d’art à londres, mercedes vicente, qui elle-même effectua deux séjours dans le loft. elle a sélectionné une cinquantaine d’artistes, dont certains ont exposé à nota bene, d’autres furent résidents du loft ou sont en lien avec la galerie cadaqués. l’exposition reflète la diversité de langages visuels et artistiques, d’ordre générationnel et géographique.
il y a des documents de cadaqués comme la photographie de fred mortagne, qui saisit un promeneur solitaire dans le parc naturel du cap de creus, le jour précédant le confinement dû au covid, ou les oliviers de jacques berthet. la montagne est aussi présente dans de nombreuses œuvres, comme les études de peter schroth et son paysage orangé, produit par une illusion d’optique du soleil ; dans les travaux sur papier d’elvira voynarovska, avec la présence magnanime et omniprésente du peni, qui protège et isole le village ; sur la photo recomposée de terre brûlée de marieke palocsay. les langages de la matière, surfaces et textures propres aux années 80 sont aussi présents (bateman, dean, romano) ainsi que d’autres œuvres de tendance conceptuelle, collage et langage (de charmoy, janz, minkoff, muntadas, pineau), l’art concret (bombelli, fontana, cheonae kim), figuratif, narratif ainsi que caricatural (wolf, morosan).
mercedes vicente
professeur a londres, critique d’art et commissaire de cette exposition
exposition du 22 juin au 17 juillet 2024